Trop souvent méconnues, de nombreuses femmes limousines exceptionnelles ont su se démarquer dans un monde masculin qui leur offrait peu de place. Pour faire écho au 8 mars, Journée internationale des femmes, pour l’égalité des droits et la mémoire des luttes féministes, nous avons choisi de proposer six portraits parmi nos héroïnes locales, d’hier et d’aujourd’hui. Elles sont sportives, elles sont militantes, elles sont artistes… mais surtout, elles sont admirables et nous touchent par leurs actes et les messages qu’elles portent.

Suzanne Valadon

L’artiste peintre au féminin par excellence

Née en 1865 à Bessines-sur-Gartempe en Haute-Vienne, Suzanne Valadon ne reçoit pas une formation artistique en tant que telle, mais c’est une dessinatrice acharnée qui va construire son propre langage pictural.  Dans l’ambiance de Montmartre, elle côtoie l’art auprès de ses amis artistes, admirateurs et amants, pour qui elle est modèle dès 1880. Elle les observe en posant et apprend ainsi leurs techniques. Toulouse-Lautrec lui montre ses estampes japonaises, Bartholomé la poussera à exposer et Degas lui enseignera la gravure. Elle puise aussi son inspiration chez Courbet, Cézanne, et Gauguin et visite beaucoup les musées.

Par inclination personnelle, Suzanne Valadon place les corps à la toilette au centre de son attention graphique. Au début du XXe, elle s’attaque aux nus, des corps modelés vigoureusement tout en cloisonnant d’un trait sombre les motifs. Ce style atteint son aboutissement avec « La chambre Bleue »   se révélant un manifeste de la femme artiste contemporaine libre : le portrait d’une femme confortablement allongée, une cigarette à la bouche et entourée de ses livres …

Attachée à rendre l’essence intime de son sujet, elle refuse le trait superflu, le résultat est là : une œuvre qui lui ressemble, forte et sans concession, mais pleine d’émotions.

Le musée Espace Valadon
Femmes limousines exceptionnelles : oeuvre de Suzanne Valadon dans un musée : "la chambre bleue"

Maryse Bastié

Grande aviatrice, féministe et idéaliste

Née en 1898 dans un milieu modeste limougeaud, ouvrière de la chaussure un temps, Maryse Bastié change d’horizon et se propulse dans les airs par sa passion du pilotage qu’elle découvre grâce à son second mari. Sa notoriété décolle avec un exploit spectaculaire : en 1925, brevet de pilotage en poche, elle passe sous le pont transbordeur de Bordeaux. 

Femmes limousines exceptionnelles : photo de Maryse Bastié en noir et blanc devant un avion avec un enfant et un homme.

Recordwoman de l’aviation, son palmarès est incroyable

  • 1928, premier record féminin de distance de vol (1 058 km)
  • 1930, record international féminin de durée de vol gagné (après 37h55 de vol en 48H)
  • 1936, elle réalise la traversée féminine de l’Atlantique Sud en 12 h et 5 min.

Et son envergure va au-delà : féministe, elle le clame en déclarant un jour à un journaliste « La femme ne serait-elle que la belle moitié du genre humain, dont la mission est de rendre la vie agréable à l’autre moitié ? » et en s’engageant en faveur du vote des femmes. Aussi, elle encourage l’usage de l’esperanto – langage universel. Durant la Guerre, elle s’engage dans la Croix Rouge, mais aussi dans la Résistance.Rayonnante, courageuse, combative … Elle fait face à des conditions de vol très difficiles dans des petites carlingues d’appareils et frôle la mort à plusieurs reprises. Elle disparaîtra d’ailleurs dans un accident, à l’âge de 54 ans.

Jeannette Dussartre-Chartreux

La militante des luttes émancipatrices

C’est en 1923 à Limoges, dans le quartier populaire des Ponticauds, que naît Jeannette Dussartre. Sur les berges industrialisées de la Vienne, elle forge son caractère au sein de générations de femmes du peuple, avant de travailler en atelier puis dans l’administration. Convertie au catholicisme, elle cultive avec Henri, son époux prêtre-ouvrier, une vision altruiste de la religion et s’engage toute sa vie dans les mouvements de paix. On retrouve l’engagement de Jeannette Dussartre à travers son investissement dans l’Institut d’histoire sociale de la CGT : elle travaille à la collecte de la mémoire ouvrière. En 2009, elle révèle un épisode emblématique des combats féministes, celui des corsetières …

L’histoire des corsetières

En 1895, des ouvrières de la Maison Clément à Limoges où l’on produit des corsets, engagent la grève ; les revendications visent des améliorations salariales et de conditions de travail. Ainsi, une pratique des plus humiliantes consiste pour l’épouse du directeur à faire agenouiller les femmes pour la prière avant le travail. Le mouvement dure 108 jours, mais le patron ne cède pas.

Cet épisode est révélateur du traitement accablant des ouvrières, dévaluées matériellement au-delà des hommes et assignées moralement. Certaines représentantes sont présentes au congrès fondateur de la CGT tenu à Limoges en 1895..

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Femmes limousines exceptionnelles : portrait de Jeannette Dussartre en noir et blanc.

Léa Sham’s

L’artiste contemporaine au cœur de la tradition des émaux limousins

L’artiste Léa Sham’s s’inscrit dans la grande tradition de ce savoir-faire : elle apporte à l’émail sa sensibilité particulière et magnifie les objets par un déploiement chromatique plein de vie. Née en Haute-Vienne en 1956 et après des études d’arts plastiques à Amiens, elle se forme à l’émail au sein de l’Atelier Fauré à Limoges entre 1975 et 1978. Depuis 1989, elle vit dans le Limousin et a réalisé de nombreuses «figures » religieuses, du mobilier liturgique, des vitraux, visibles, entre autres, dans les cathédrales de Tulle ou Saint-Étienne, les églises d’Objat ou Saint-Hilaire-les-Places.

Ses décors s’inspirent à la fois des arts populaires et des arts décoratifs, un travail nourri par une observation et une attention intense du quotidien. Son attirance pour les couleurs pures reste palpable ; le rouge, vibration chaude et joyeuse, reste sa couleur de prédilection, occupant une grande partie de ses œuvres. Au fil du temps, elle a construit un petit vocabulaire où se conjuguent roses, volutes, couronnes, papiers dorés, damiers, la lettre A, mains, pois, graines, feuilles, billes, carrés, traits, points …  Elle aime donner à ses pièces des allures de soieries ou de friandises et surcharge volontairement ses ornements.

Femmes limousines exceptionnelles : œuvre de Sham's en émail exposé à la cathédrale Saint-Etienne.

Focus sur son œuvre Notre-Dame de Pleine Lumière

Créée en 2009 pour les ostensions limousines, Notre-Dame de Pleine Lumière illustre parfaitement son travail.  Cette Vierge que l’on peut admirer à la cathédrale Saint-Etienne, est une référence directe aux vierges romanes d’Auvergne, notamment celle du  Puy-en-Velay ou de Sainte Foy de Conques. C’est aussi un très bel hommage coloré aux émailleurs du moyen-âge. cette vidéo.

Ces femmes limousines exceptionnelles
©G_Villegier-CRTNA

La relève du savoir-faire de l’émail au féminin est assurée !

Lise Rathonie est une artiste passionnée qui perpétue et réinvente l’art de l’émail avec une maîtrise exceptionnelle. Son travail, à la croisée de la tradition et de la modernité, témoigne d’un savoir-faire d’excellence qu’elle met au service de la création contemporaine.

Présidente de la SPEF (Syndicat Professionnel des Émailleurs Français), elle joue un rôle clé dans la valorisation et la transmission de cet art, en défendant la place de l’émail dans le paysage artistique et artisanal actuel. En 2022, elle a porté Impertinente, un événement d’envergure réunissant l’émail et le métal, illustrant ainsi le dialogue fécond entre ces deux matériaux et affirmant l’audace de la création émaillée.

À travers ses œuvres et son engagement, Lise Rathonie incarne la vitalité d’un savoir-faire d’exception et inspire une nouvelle génération d’artistes et d’artisans.

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Sêma Lao

Une artiste de street art, muraliste de renommée en France et à l’étranger

Sêma Lao est une artiste qui impressionne à travers son art visible sur l’espace public. Cette femme de 33 ans – native de Limoges en 1987, d’un père chinois et d’une mère allemande, son prénom signifiant « signe » en grec – aime s’attaquer à des murs parfois très hauts. Elle aime les challenges, comme à Blois, où elle a transformé en mars 2018 un banal immeuble de 6 étages en portrait géant d’Angela Davis, célèbre militante pour les droits de l’Homme et de la Femme aux Etats-Unis.

Je peins sur des murs mais je fais également des expos Je me définis plutôt comme une muraliste.

Femmes limousines exceptionnelles : fresque street art de Sêma Lao de 2021 qui représente 3 femmes de différentes origines ensemble.

A l’aérosol et à l’acrylique avec beaucoup de couleurs, elle joue des contrastes et des nuances. Ses sujets de prédilection sont les visages d’enfants, mais aussi des visages de figures célèbres, comme « Simone Veil » en 2020 sur un mur de 130m² préparé en blanc par un collectif d’élèves, surveillant, CPE… du Lycée Danton à Brive. A Limoges, on connait d’elle son portrait du basketteur Richard Dacoury à l’entrée du Palais des sports de Beaublanc et le récent portrait du regretté Frédéric Forte, président et figure du CSP – Cercle Saint Pierre, club de basket.

Son art esthétique et coloré nous transmet des émotions uniques : « Si on fait du photoréalisme, ça donne un résultat trop fade » résume-t-elle mais avec son style et sa palette de couleurs, jaune citron, vert pomme, rose fushia, bleu turquoise, elle met de la couleur dans la vie et fait vibrer les murs et c’est réjouissant !

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Jeanine Assani-Issouf

La « Ninja » parmi les athlètes

Limougeaude d’adoption, Jeanine Assani-Issouf est née à Marseille en 1992 et grandit au sein d’une fratrie de 7 frères et sœurs, une famille originaire de Mayotte. Pour le travail de son père elle déménagera à Limoges dans le quartier de La Bastide à l’âge de 4 ans. Surnommée la « Ninja », c’est une athlète française spécialiste du triple saut. Dès l’âge de 12 ans, la sportive remporte sa 1ère compétition d’athlétisme avec le CAPO Limoges, puis va poursuivre sa carrière licenciée au Limoges Athlé, naviguant de succès en succès tant en France qu’à l’international.

Son palmarès

  • 2016, elle est 7ème aux Championnats du Monde à Portland
  • 2017, aux Championnats d’Europe par équipes à Lille, elle arrive 3ème au podium avec 14 m, puis en 2018 , elle participe aux Championnats d’Europe de Berlin où elle décroche la 7e place avec 14, 12 m
  • 2018 encore, à 26 ans elle atteint son record personnel de 14.43 m !
  • 2020, Jeanine devient pour la 8ème fois Championne de France de triple saut à Albi et ce, malgré une année de blessures et un contexte sanitaire ne prêtant pas à l’entraînement.
Revivez sa victoire en vidéo
Femmes limousines exceptionnelles : Jeanine Assani-Issouf en train de performer sur une piste d'athlétisme

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Amandine

À propos de Amandine

Bonne vivante, ma devise : on ne refuse jamais un petit resto ou un verre en terrasse ! Et pour équilibrer tout ça, adepte du vélo dans Limoges depuis des années.

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